L'Astronome Eclipse

Articles de eclipseastronomie

  • Soirée estivale sous le ciel de Haute-Vienne

    Première partie.

     

    Jour après jour, de l'aube jusqu'au crépuscule. 

    Au fil des heures il naît, pousse, mûrit et se développe. C'est un pur prodige, un véritable miracle que seule la Nature est capable de créer. On pourrait presque en oublier son caractère mathématique et élémentaire. Lentement il grandit, s'épaissit, lentement il s'enveloppe de chair et de sucre. Et du matin au soir c'est le Soleil qui, sans répit, prend bien soin de lui, jusqu'au moment fatidique. Cet instant décisif où ce produit, à la fois unique et si sophistiqué, passe entre nos doigts pour ainsi être... cueilli. 

    La vigne de Verneuil (image l'Astronome Eclipse)

     

    Vue du site (image l'Astronome Eclipse)

     

    Oui, ce soir là je suis en haut de cette colline où l'on trouve ces fameuses vignes, à Verneuil sur Vienne. Je suis là, au bord du champ, et j'observe les premières grappes de la saison. Et pendant que le seigneur du jour s'abaisse sur l'horizon, je contemple cette vaste étendue où le raisin doit foisonner d'ici quelques semaines à peine... ah, ce simple raisin... un maigre rayon de lumière passe encore au travers des feuilles, donnant au fruit un charme tout particulier. Ce beau raisin paraît si vivant, si fort en son cœur ! Comment un tel fruit peut-il me donner cette impression ? Pourquoi donc m'arrêtai-je sur cette chose si anodine ? Dame nature cherche peut-être à livrer ce raisin sous mes yeux afin de me rappeler qu'au fond d'elle-même, la vie n'est qu'une succession de singularités qui, si l'on y prête attention, demeurent pour le moins extraordinaires. On dit que l'existence n'a pas de sens, mais qu'en est-il alors de l'Univers ? Car l'Univers est rempli de vie. Non-pas qu'il contienne une multitude de civilisations (chose dont laquelle je suis convaincu, mais il ne s'agit pas de cela ici), mais plutôt qu'il incarne en fait tout une succession de singularités...

    C'est donc cela le cosmos...

     

    Tandis que ma fascination pour le raisin s'achève enfin, le Soleil ne se distingue déjà plus. Nous sommes le Mercredi 30 Juillet 2014. Ce soir le ciel brille de mille feux. Les étoiles ne scintillent pas, l'atmosphère semble stable et cristalline... quelle pureté ! Au fil des heures la Voie Lactée apparaît, et voilà que les constellations se confondent avec les grandes étendues stellaires de notre galaxie. Quel spectacle grandiose ! J'ose à peine imaginer que devant nous se dressent probablement des millions de mondes ! Qui sait... peut-être qu'autour de toutes ces étoiles gravitent des planètes abritant des écosystèmes plus inimaginables les uns que les autres ! Et comme je me plais souvent à le dire, un exo-astronome nous observe peut-être à l'heure actuelle, depuis « là-haut », se demandant ce que nous pouvons bien faire sur notre belle planète bleue ! Face à toutes ces étoiles, face à tous ces systèmes extra-solaires que nous ne voyons même-pas, face à ces mondes inexplorés et inconnus... je reste ébahi. Tant de beauté, tant de mystère...

     

    Désormais, il n'y a que les étoiles pour nous éclairer. La Lune nous a quittés depuis un certain temps. Littéralement, nous sommes dans le noir ! A l'horizon, la faible lumière des villages lointains nous permet de deviner la silhouette formée par les rares reliefs des alentours. Notre point d'observation, situé en hauteur, nous donne l'impression de surplomber une immense vallée. En réalité, c'est surtout le lit de la Vienne que nous dominons, sans vraiment nous en rendre compte ! La rivière semble si éloignée que nous n'entendons pas le clapotis de l'eau ! A vrai dire, nous percevons plutôt le chant des grillons, et cette discrète mélodie paraît rassurante : la vie grouille autour des vignes, signe d'une faune bien présente, avec laquelle l'Homme cohabite en fait depuis toujours. Au milieu des tous ces êtres se trouvent nos instruments ; là, voici qu'une poignée d'aventuriers célestes se lancent à la conquête du cosmos ! Télescopes d'un côté, lunettes de l'autre, chacun d'entre nous s'est équipé comme il convient pour explorer les moindres recoins de l'univers. Dans un premier temps, je m'oriente vers le système solaire ; en début de soirée, j'avais déjà scruté la Lune mais celle-ci, bien trop basse sur l'horizon, ne présentait aucun intérêt ni aucun attrait digne de ce nom. Aussi Saturne allait-elle faire mieux, et ce fut d'ailleurs sympathique de la retrouver sous un aussi beau ciel. Mais ce soir-là, le système solaire accessible est limité, et rapidement nous quittons ce dernier pour aller observer des cibles plus lointaines... Mais bigre, le choix ne manque pas ! Quoi observer ? Que choisir ? Et dans l'immensité de la galaxie, comment ne pas s'égarer au détour d'un cheminement d'étoile à la suite d'une découverte fortuite ? Car au sein de la Voie Lactée comme ailleurs dans le ciel, les amas stellaires ne manquent pas. Les petites nébuleuses se comptent par dizaines... Le Sagittaire à lui-seul demeure si riche en objets célestes qu'il me faut un certain temps pour l'admirer dans sa totalité : La Trifide, la Lagune, la nébuleuse Oméga, et tous les autres objets du catalogue Messier... cette constellation regorge de trésors absolument splendides ! Certes, nous avons ici affaire à de grands classiques, mais je dois avouer que je ne m'en lasse pas. La quantité de lumière et le pouvoir de résolution qu'offre mon télescope – avec ses 102 modestes mais précieux millimètres de diamètre ! – s'avèrent suffisants pour résoudre les principaux objets. Si je me souviens bien, je n'ai pratiquement pas changé d'oculaire lors de mes observations du ciel profond. Le Vixen NLV 25 mm et le Meade Super-Plössl 32 mm série 4000 sont restés fort honnêtes et ont bien rempli leur rôle. Avec de faibles grossissements, j'ai pu contempler les étendues des amas et des nébuleuses dans leur intégralité. Bien que sa spécialité se situe généralement dans le domaine de l'observation planétaire, force est de constater que le Maksutov n'est pas inapte à l'observation de cibles faiblement lumineuses...

     

    Après le Sagittaire, c'est au tour des autres constellations d'être admirées : le Cygne, la Lyre, l'Aigle, Andromède, Pégase, mais aussi celles dont j'ai finalement oublié le nom : car il faut le dire, l'appellation des constellations importe bien peu (pour une fois) par rapport à ce qu'on voit entre les étoiles !

     

    En plus des astronomes, un petit groupe de randonneurs s'est joint à nous dès le début de la nuit. A ce propos, quelle tête n'ont-ils pas fait lorsqu'ils ont vu les instruments ! A Verneuil, les télescopes ne sont tout de même pas courants ! Mais ce soir la Société d'Astronomie Populaire de Limoges est là, et ensemble nous passons un agréable moment. A partir de maintenant, nos randonneurs peuvent se familiariser avec la science du ciel, et c'est pour eux une belle activité pour finir une journée à caractère initialement sportif !

     

    Ô chère Uranie, en ouvrant les portes du cosmos aux astronomes, pensais-tu que certains hommes dussent parcourir de longs chemins pour ensuite accéder – sans le savoir – aux merveilles de l'univers ? Car c'est là ce qu'ont vécu nos « invités de dernière minute », et peut-être ont-ils succombé au charme de l'astronomie ! D'une étoile à une autre, de planète en planète, au cœur des nébuleuses les plus obscures, les observateurs de ce soir se plongent dans la plus belle chose au monde, dans le grand mystère de l'astronomie, cette science, cette passion, cette raison de vivre... comme un rêve sans limites, là où seule l'imagination permet de poser une frontière à l'idée que nous avons de l'infini, comme l'esprit d'un penseur qui s'enfonce toujours plus dans des idées foisonnantes et fécondes, prêt à s'attaquer à des énigmes insolubles, à l'image de tout être vivant avide de découverte et de savoir, ne craignant ni les lois de la physique ni l’œil d'un quelconque dieu, et tout cela pour le simple plaisir de dépasser le seul constat que fait l'astronome derrière son oculaire ! Oui, c'est bien cela ; l'observateur, frustré par sa condition de terrien, ne peut s'envoler pour explorer les mondes auxquels son télescope n'a pas accès. Il voudrait évidemment s'extraire de la gravité, pourquoi pas à bord d'un vaisseau, afin d'arpenter les galaxies... qu'importe si le danger le guette, le chemin à parcourir pour faire la lumière sur les secrets de l'univers reste si colossal qu'il est prêt à n'en faire qu'une partie, du moment qu'il transcende les modèles obsolètes de la science !

    Voie Lactée (image l'Astronome Eclipse)

     

    S'il fallait tout découvrir d'un seul coup, tout savoir et tout connaître, et si nous devions dévoiler au monde ce que la plupart ignorent, serions-nous véritablement des astronomes ? Non, car même si nous repoussons encore et toujours nos limites, nous restons des aventuriers, des explorateurs de l'infiniment grand. Il nous faut prendre garde aux tours que nous joue notre muse favorite ! Ah, divine Uranie, nous aurions pu basculer dans une folie dévastatrice, au point d'oublier sur quelle planète se posent nos pieds ! Cette gloire que nous attribuons à ton nom, ce prestige que certains d'entre nous accordent à la plus ancienne des sciences, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un divertissement pour l'existence. Que Pascal s'en réjouisse, nos sens nous trompent mais nous en avons conscience... 

     

    Pour les personnes présentes sur le site d'observation, point de piège, point d'entourloupe. L'astronomie est une science, et toutes les questions n'ont pas encore leur réponse, pour le moment. Cela n'enlève rien à la magie qui s'opère dans les yeux de quiconque s'intéresse ne serait-ce qu'un instant à ce que montre un télescope. J'espère que parmi nos amis randonneurs, certains curieux auront plus tard envie de se lancer dans l'aventure de l'étude du ciel, par passion ou par métier...  

     

    A suivre... 

  • Promenade au clair de Lune

    6h50. 

    La nuit va bientôt prendre fin. Il ne fait pas tout-à-fait jour, le Soleil dort toujours... Le monde se lève, c'est le matin.

    Les lumières de la ville s'éteignent peu à peu. Les rues sont calmes et désertes. Derrière les fenêtres des immeubles, la vie somnole: les uns se réveillent, d'autres surveillent, et certains encore font les morts.

    Pendant ce temps, et tandis que j'avance, seul, perdu dans mes rêves, les étoiles travaillent: elles luttent contre l'aube, contre cette aurore qui s'impose désormais. Je n'y prête pas attention malgré l'arrivée d'Orion au dessus des réverbères. Pourtant, quelque chose m'attire, m'interpelle.

    Un murmure, un appel au loin. Un éclat capté par mon oeil.
    Oui, elle m'intrigue, je ne peux pas m'empêcher de poser mon regard sur elle.
    Il est 7h00 et je longe la Porte d'Italie... A ma droite les canons de Napoléon attendent le signal. J'ai la tête ailleurs, ils ne tireront pas aujourd'hui. Mais ce n'est pas cette Porte qui m'attire ainsi. Ce qui brille se trouve plus loin.

    Voilà déjà la place du marché. Les restaurants ouvrent à peine. Une formidable odeur de croissants chauds me chatouille les narines. Le fleuriste déballe ses fleurs à côté du bouquiniste et du bijoutier. Avec le ciel bleu marine cela donne une ambiance assez inattendue: cette ville revêt mille allures au fil des heures. Quel charme... et cette chose qui continue de briller...

    7h10. 

    L'ultime boulevard. Les voitures me paraissent bien plus nombreuses que tout-à-l'heure, mais au moment où la ville dévoile ses activités diurnes je m'échappe. Devant moi se dresse le port. Toujours ce murmure qui ne cesse de m'appeler. Je m'engage sur le quai numéro trois et valide mon ticket.

    Un ticket pour la mer. Une entrée pour s'évader. S'extraire du temps, du continent, avant d'aller travailler. L'immensité bleue, les bateaux, les mouettes (pour une fois discrètes!), tout est parfait. Qu'importe la destination, je pars à l'aventure comme chaque jour. Qui sait ce qui peut se produire... Les rencontres hasardeuses deviennent parfois de belles aventures.

    Alors mon bateau s'élance et quitte le port...
    Ah! Méditerranée, je glisse entre tes vagues, au milieu de l'onde et des voiliers! N'es-tu pas la plus belle? La plus douce? La plus énigmatique aussi?
    A travers le hublot, je distingue l'éclat de lumière qui m'intriguait tant. Son appel se fait toujours entendre, les étoiles m'en sont témoins. Jupiter qui brillait fort bien a disparu... La voûte céleste s'est éclaircie et je reconnais alors ce qui faisait l'objet de mon attention... 

    Quartier lunaire (7 Juin 2014)

    C'est bien toi, dame Lune! Toi donc, lorsque je me suis levé, qui m'as appelé!
    Toi qui d'une rue à l'autre tentais de m'envoûter avec ta douce mélodie! Et par ta beauté! Ah, jolie Lune! Tu essayais de t'approcher de moi! Et dans les méandres de mon esprit, dans les abysses de mon être encore endormi, je ne te reconnaissais pas... Toi charmante Lune, celle qui par coutume se nomme la reine de la Nuit, tu étais là. Perdue dans le cosmos, abandonnée par tes admirateurs tu perdais tout repère... Tes cris de détresse, personne n'en a fait de cas. Quel triste moment! Mais désormais ta solitude s'achève. Me voilà.

    Le Soleil se dresse enfin sur la rade. L'architecture de la ville se dessine nettement. La brume subsiste par endroits et le Mont Faron se cache encore dans les nuages. Plus rien ne nous atteint. Les étoiles s'endorment, la nuit s'efface... 
    Repose-toi Belle Lune. Rendez-vous demain matin. 

  • Pensées d'un soir...

    Toi dame Lune, en ce 7 Février te voici, éclatante dans la noirceur impénétrable du ciel! Constellée de cratères, de failles et de poussières, tu jaillis par devant les étoiles, le froid et l'espace ne t'effraient même pas. Qui donc oserait douter de ton éternelle beauté?

    Ô jeune Lune, tu n'es là qu'en quartier, mais tu es si belle ce soir! Laisse-moi t'approcher, laisse-moi t'observer et te contempler! Ce soir, je m'incline devant ton charme et ta puissance... astre sélène régnant sur la voûte céleste, ta silhouette m’enivre et m'emporte au delà des limites du cosmos. Mon coeur s'emballe, derrière le télescope je frémis... jamais je ne me détournerai de toi, pour toujours je t'aimerai.

    A tous ceux qui t'aiment jolie Lune, je dédie cet humble portrait. 

    Quartier lunaire (7 Février 2014)


  • Billet d'humeur: qui sème le vent récolte la tempête!

    "Faites c'que j'dis, mais pas c'que j'fais", pensait monsieur Brunier. Et bien voilà, la roue tourne! On ne peut pas rabaisser les gens indéfiniment sans rien se prendre sur la tronche. L'astronomie est ouverte à tous, et les astroufs snobinards n'ont que ce qu'ils méritaient. "Qui sème le vent récolte la tempête", dit-on. C'est bien vrai. Mon pauvre Serge, si seulement tu nous avais écoutés! Celle-là, tu ne l'auras pas volée... mais souviens-toi, à l'époque, je te l'avais dit...

  • Le Cantal, terre d'enchantement...

    Parfois, lors d'un voyage, il nous arrive de découvrir de fabuleuses régions, des lieux regorgeant de trésors, d'une beauté exceptionnelle. De tels endroits existent partout dans le monde, et la France n'en est pas exclue.

    Oui, c'est en France que j'ai, encore une fois, trouvé un coin de paradis. Il n'y a pas besoin de chercher bien loin... je pense naturellement au Cantal!

    Ah, le Cantal... ce pays auvergnat où chaque vallée renferme de véritables merveilles! Des châteaux, des forêts, mais aussi des montagnes et des rochers finement sculptés par les volcans! On y rencontre des chemins menant vers des contrées vertes et radieuses, pleines de vie, où les animaux côtoient l'Homme sans la moindre crainte, là où tout n'est qu'harmonie, au sein d'une campagne luxuriante! Il n'y a pas plus magnifique que cette province cantalienne... Plus fascinant encore: là-bas, le ciel n'est pas une simple étendue noire avec des étoiles. Non, c'est bien mieux que cela. La nature nous offre là une voûte céleste hors du commun, constellée à souhait, au milieu de laquelle la Voie Lactée se dévoile élégamment, comme un nuage cosmique qui s'étire à volonté du Nord jusqu'au Sud. Il n'y a pas de place pour les lumières parasites; Aurillac, ville lumineuse mais discrète, s'incline d'elle-même et retient ses rayons dès lors que l'astronome s'élève sur les crêtes et les monts du Cantal.

    Les nuits se suivent, mais on ne sait jamais ce qui peut nous attendre sous le cosmos. Et bien, figurez-vous qu'à la veille de la première Nuit des étoiles 2012, je n'imaginais pas à quel point la soirée du 10 Août allait être l'une des plus belles que j'ai connu jusqu'alors! A l'occasion de mon séjour cantalien, j'avais songé à organiser une rencontre d'Astronomie avec les observateurs de la région. Avec une poignée d'astronomes, nous avons donc préparé une soirée d'observation qui devait se dérouler durant les Nuits des étoiles. Finalement, la date du 10 Août semblait parfaite. Mais qu'est-ce que la perfection d'une simple date en comparaison avec le spectacle céleste de ce soir-là!

    Avec les habitués du Cantal, nous avions choisi de nous installer vers les hauteurs de la commune de Polminhac, sur le plateau de Fraysse del Miet. Là-haut, la vue était saisissante: on pouvait contempler les crêtes lointaines qui longeaient notre plateau, les villes les plus éloignées paraissaient minuscules alors que nous apercevions Rodez, et le panorama s'ouvrait à 360 degrés! A mon arrivée vers 20h30, et à ma grande surprise, il n'y avait pas de vent. A plus de 1000 mètres d'altitude, même l'humidité ne subsistait pas... les conditions demeuraient favorables, comme si la nature tenait à nous laisser nous aventurer dans le ciel sans le moindre désagrément. Après tout, nous devions accueillir le grand public, et il aurait été dommage d'observer sous un climat désagréable! Ainsi donc, les terres cantaliennes donnaient le meilleur d'elles: nous disposions d'un cadre paisible et serein sous des cieux cléments. Car il faut l'avouer: pas un seul nuage ne s'est montré!

    Coucher de soleil cantalien (photo L'Astronome Eclipse)

    Le temps, lui, continuait sa course; bientôt, le Soleil se couchait, nous souhaitant une bonne soirée avant de s'enfoncer dans les prés fleuris et fertiles. De sont côté, la Lune dormait encore. Gare à celui qui aurait osé la réveiller! Mais heureusement pour nous, le «radio-réveil lunaire» ne devait pas sonner avant 3 heures du matin...

    Autour de nous, la vie s'éteignait. Tout paraissait inerte, figé, telle une gigantesque machine terrestre mise en arrêt après une longue journée d'activité. Sur la route, les derniers tracteurs roulaient à piètre allure; leurs vieux moteurs, épuisés, tremblaient encore et encore! Quelle triste figure faisaient-ils en passant devant nos beaux télescopes étincelants! Nous, les rois de la nuits, n'étions pas peu fiers de pouvoir arpenter l'Univers avec nos instruments, certains munis de lentilles, d'autres constitués de miroirs... petites lunettes compactes, télescopes de type Newton et Dobson, paires de jumelles, nous avions de quoi nous amuser! D'ailleurs, le public, s'élevant à une cinquantaine de personnes dont la venue s'est répartie sur l'ensemble la soirée, a eu la joie d'admirer les objets célestes les plus proches comme les plus éloignés: Saturne, Mars, Neptune, Uranus, mais aussi Andromède, l'amas d'Hercule, l'amas de Persée, et j'en passe! A l'Ouest, un fin triangle se dessinait au dessus de l'horizon: il se composait des planètes Mars et Saturne (respectivement en bas à droite et en haut du triangle), avec la brillante étoile Spica en bas à gauche.

    Ah, Spica! Tu es tellement fière, avec ton éclat blanc! Dans notre ciel estival, tu ressembles à un phare qui s'effondre sur la ligne du monde, engloutissant avec toi les rayons lumineux que tu as pourtant émis il y a longtemps. Jamais ne cesseras-tu de nous captiver? Mais en ce grand mois d'Août, tu emportes tes amies planétaires au fin-fond du crépuscule, le temps d'une nuitée bien méritée...

    Au fur et à mesure que le ciel s'assombrissait, la Voie Lactée se montrait timidement. Quelle stupéfaction! Notre bien-aimée semblait si détaillée, si précieuse! Ses contours, comparables à un voile de fumée, se distinguaient de mieux en mieux au fil des heures... Chère Voie Lactée, d'une teinte grisâtre, tu nous apparaissais parfois bleutée, ou même jaunâtre. Rêvais-je à chaque fois que je te contemplais? Certainement pas! Ton charme, d'ordinaire masqué par la puissante force des réverbères, se révélait ce soir à moi alors qu'il n'avait jamais vraiment disparu... Tantôt transparente, tantôt opaque, cette traînée laiteuse laissait voir quelques nébuleuses à l’œil nu. Les amas stellaires étaient également de la fête! A ce propos, tous les objets célestes du Sagittaire se voyaient aisément, sans l'aide d'instruments d'observation. A notre époque, c'est presque un miracle!

    La galaxie d'Andromède, -une voisine, me direz-vous!-, se voyait facilement elle aussi, à tel point que la viser devenait un jeu d'enfant; A l'oculaire, on reconnaissait nettement sa forme ovale, et sa texture toujours nuageuse et cotonneuse prenait un aspect nébuleux, comme si les étoiles y avaient expulsé tout leur gaz dans l'unique but de nous empêcher de les voir! Mais détrompez-vous: M31 n'en était pas moins belle.

    Les astronomes et leurs instruments (photo L'Astronome Eclipse)

    Au cours de la soirée, de belles Perséïdes se sont invitées. Lumineuses, furtives, enflammées au point de disparaître avant même d'avoir le temps de siffler, ces étoiles incandescentes filaient à toute vitesse à travers l'espace! Tantôt rouges, tantôt bleutées, leur spectacle plaisait aux astronomes de passage. Elles surprennent tellement, et vont si vite! Ces Perséïdes sont décidément incroyables... on aurait d'ailleurs pu penser qu'elles provenaient de partout à la fois. Combien étaient-elles à embellir le ciel d'une heure à l'autre? 20? 30? 50? Des dizaines et des dizaines de perles flamboyantes que l'on ne comptait presque plus!

    Comme des aventuriers, certains d'entre nous sont partis à la recherche de galaxies lointaines, très lointaines... il ne leur a pas fallu bien longtemps pour déceler quelques trésors: c'est dans un Dobson de 400mm que le célèbre Quintet de Stephan s'est révélé. Un groupe galactique discret, fondu dans la masse de l'Univers noirâtre, se dessinait finement au delà des astres, comme un ensemble de cellules encore blotties au sein d'un gigantesque corps cosmique, tout juste nées d'une mitose astronomique... Il y avait quatre ou cinq bulbes grisâtres, nébuleux et allongés, avec en leur centre respectif un cœur blanc intense dont les contours fusionnaient avec l'étendue brumeuse qui les entourait. Ces cinq galaxies paraissait vivantes et en mouvement, et faisaient penser à un éclatement que le temps aurait ralenti depuis plusieurs millénaires... mais vers où partent-elles? Veulent-elles vraiment s'éloigner? Et par dessus tout, quelles merveilles renferment-elles? Que cachent-elles en leur structure? Contiennent-elles des systèmes solaires comparables au nôtre? Ce sont probablement les réponses à toutes ces questions qui, si on les trouve, nous dévoileront un jour les secrets les plus enfouis et les mieux gardés de l'Univers...

    Autour de notre site d'observation, les arbres et buissons s'écrasaient pour ne devenir que des masses sombres dont les formes se confondaient avec le sol... la nuit se poursuivait, et les constellations dansaient sans un seul faux pas. Rapidement, le ciel d'été laissait place au ciel d'automne... Oh, voici que vers 3 heures du matin, les Pléiades sortaient de leur cachette! Et par surprise, Vénus et Jupiter se levaient également! Hélas, l'horizon étant proche de ces objets, il était difficile d'obtenir des détails... Dans ma petite lunette, je suis quand-même parvenu à distinguer les bandes joviennes, ainsi que les grands satellites de la planète gazeuse.

    Tôt ou tard, cette nuit d'observation allait s'achever. Une demi-heure après le lever des Pléiades, nous nous sommes peu à peu salués, et nous sommes finalement repartis sur la route. La nuit ne semblait pas terminée, et nos esprits encore orientés vers les étoiles ne voulaient pas se résigner à aller se coucher! Mais comment résister, avec tant d'heures d'observation et tant de belles images en tête! Une chose est certaine: cette soirée d'astronomie cantalienne se terminait avec succès. Certains astronomes, venus aussi bien d'Aurillac, de Maurs-la-Jolie, ou encore de Clermont-Ferrand ou d'un autre département comme la Corrèze, n'ont absolument pas regretté leur visite. D'autres, ravis d'avoir pu découvrir et tester du matériel d'observation, ont eu la joie de pratiquer l'étude du ciel sous un autre aspect que d'ordinaire... et par dessus-tout, ce sont d'agréables rencontres qui ont eu lieu.

    Je crois qu'il est impossible d'ignorer la beauté du Cantal. Succomber à son charme et à la pureté de son ciel est un réel plaisir, et celui qui tenterait de ne pas tomber amoureux d'un tel pays n'est pas humain! Splendeur verte et fraîche le jour, spectacle étincelant dans une voûte d'un noir pur la nuit, le Cantal est un beau pays. 

    Paysage cantalien (photo L'Astronome Eclipse)

    Il n'y a que contemplation, et un ciel à couper le souffle... 




    Je tiens à remercier tous ceux qui sont venus me rejoindre lors de cette soirée et avec qui j'ai passé un très bon moment. Il y a d'abord Elarwen, Nadav, Steven, mais aussi Domi et son épouse, avec le club Equinoxe, sans oublier Roger15 et son épouse avec qui j'ai pu échanger sur de nombreux sujets et partager la passion de l'astronomie. D'ailleurs, Roger, si tu me lis, merci beaucoup pour les deux rencontres que nous avons organisé; je suis très heureux d'avoir pu faire connaissance! Merci également à Tata Zize et JMDSomme pour les échanges téléphoniques.

    Avec le concours de tous, nous avons pu faire cette soirée d'astronomie. Le succès qui s'impose me donne l'envie de refaire une telle soirée lors d'un prochain séjour cantalien...

    A suivre!



    Ce récit a été élu Meilleur CROA de l'année 2012 par la communauté astronomique Webastro.

    Coupe prestige et luxe concours Top CROA 2012